Rouge Terre


Rouge Terre, c’est l’histoire d’une famille, recroquevillée sur elle-même, avec ses souvenirs, ses absents, pendant qu’autour, tout s’écroule… L’arrivée d’un jeune homme dans cet univers clos va réveiller les fantasmes et dévoiler l’histoire de chacun d’entre eux, avec leurs obsessions, leurs désespoirs, leurs rêves et leurs folies…

Sur le plateau, des espaces vides jonchés d'objets pour signifier un bar, un hangar, une chambre, seul un muret, mouvant, symbole de la limite, de l'ailleurs, de l'enfermement, du passé et du présent.... les sons et la lumière pour circonscrire les lieux et les moments de ce voyage immobile dans un monde dévasté...

La pièce a été écrite pour la compagnie L'Air de Rien et sera jouée les 22 et 23 mars 2016 à la Maison des Arts de Lingolsheim, avec le soutien de l'Agence Culturelle d'Alsace.
Collaboration artistique : Dominique Guibbert et Luc Tartar.
Avec : Claire Bloomfield, Marie David, Deborah Helbling, Hélène Lantz, Alexandre Schmitt.

Un extrait de la pièce:
Séquence 2

"
Un hangar attenant au bar.
Bric à brac d'objets rouillés, de vieux meubles, de pneus, de poussettes, de vélos, de caisses à outils, de liquides en tous genres.
Le père et Mina.
Les deux auscultent le moteur d'une mobylette en piteux état.

Le père- Moteur grillé.

Mina- Montre ça.

Le père- Le joint a lâché.

Mina- Comment tu sais ?

Le père- Trop forcé...

Mina- Laisse-moi essayer !

Le père- Y'a ta mère qui t'appelle.

Mina- Pas grave.

Le père- Une bombe sous le moteur cet engin...

Mina- Laisse-moi essayer je te dis !

Le père- Tu ferais mieux de t'occuper de cette fuite !

Mina- Pour ce que ça change...

Un temps.

Mina- C'était à qui cette mobylette ?

Silence.

Mina- Ça te gêne que je sois là ?

Le père- Tant que t'es pas sur mon chemin.

Un temps.

Mina- Faut trouver un moteur.

Le père- Un moteur très spécial

Mina- Qu'est-ce que tu vas faire ?

Le père- T'occupes pas.

Mina- Tu pourras me laisser faire ?

Le père- Quoi ? Te laisser faire quoi ?

Mina- Fais pas semblant. Me laisser réparer cette mobylette. T'as bien l'intention de la réparer non ?

Le père- Possible.

Un temps.

Mina- Faudrait trouver une carcasse de voiture.

Le père- Quoi ?

Mina- Une carcasse de voiture. Faudrait trouver ça. Sure que ça se trouve au terrain vague.

Le père- Qu'est-ce que tu ferais d'une carcasse de bagnole, plus grosse que toi avec ça ?

Mina- Démonter. Pièce par pièce. Et tout remonter.

Le père- Drôle d'idée.

Mina- J'aime ça les carcasses des voitures. Comme des corps lourds et puissants à réanimer. M'en fous moi de l'odeur de vidange.

Le père- Va t'occuper de la fuite, y'a plus d'avenir là-dedans si tu veux mon avis.

Un temps.

Mina- Pourquoi t'as fermé le garage ?

Silence.

Mina- T'aurais pas voulu que quelqu'un le reprenne ce garage ?

Le père- Personne veut plus venir jusqu'ici.

Un temps.

Mina- Et Lulu tu veux pas lui apprendre ?

Le père- C'est fini tout ça.

Mina- Ça fait pas si longtemps.

Le père- Une éternité on dirait...

Silence.

Mina- Tu fais quoi ?

Le père- T'occupes.

Mina- Tu veux pas me laisser essayer ?

Le père- On essaie pas, on improvise pas. C'est précis. C'est toute une grammaire, ça s'apprend la mécanique.

Mina- Moi je veux bien apprendre.

Le père- A quoi ça te servirait ?

Mina- Je pourrais t'aider, on pourrait relancer tout ça.

Le père- T'as pas compris ? Personne veut plus de nous je te dis. A la casse. Comme les vieilles bagnoles. Personne veut d'un garage planqué entre deux bulldozers !

Le père dépose ses outils, ferme la caisse.

Mina- Qu'est-ce que tu fais ?

Le père- Faire un tour.

Mina- Je peux venir ?

Le père- Non ! Y'a ta mère qui t'appelle!

Le père sort.
Mina reste là, à observer la mobylette."

© Texte déposé


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